Dans le quartier

 

En el barrio

Ya los de la casa se van acercando
al rincón del patio que adorna la parra,
y el cantor del barrio se sienta,
templando con mano nerviosa, la dulce guitarra.

La misma guitarra, que aún lleva en el cuello
la marca indeleble, la marca salvaje
de aquel despechado que soñó el degüello
del rival dichoso tajeando el cordaje.

Y viene la trova: rimada misiva,
en décimas largas, de amante fiereza,
que escucha insensible la despreciativa moza,
que no quiere salir de la pieza…

La trova que historia sombras
de alcohol y de sangre, castigos crueles,
agravios mortales de los corazones
y muertes violentas de novias.

Sobre el rostro adusto tiene el guitarrero
viejas cicatrices de cardeno brillo,
en el pecho un hosco rencor pendenciero
y en los negros ojos la luz del cuchillo.

Y muestra, insolente, pues se va exaltando,
su bestial cinismo de alma atravesada:
Palermo le ha oido quejarse, cantando
celos que preceden a la puñalada!

Y no es para el otro su constante enojo…
A ese desgraciado que á golpes maneja
le hace el mismo caso, por bruto y por flojo.
que al pucho que olvida detrás de la oreja

¡Pues tiene unas ganas su altivez airada
de concluir con todas las habladurias…
¡Tan capaz se siente de hacer una hombrada
de la que hable el barrio tres ó cuatro días…!

¡Y con la rudeza de un gesto rimado,
la canción que dice la pena del mozo
termina en un ronco lamento angustiado,
como una amenaza que acaba en sollozo!

Evaristo Carriego, Misas herejes,1908

Dans le quartier

Déjà ceux de la maison s’approchent
Du coin du patio qu’orne la treille
Et le chanteur du quartier s’assied
Calmant d’une main nerveuse la douce guitare.

La guitare même, qui porte encore sur son manche
La marque indélébile, la marque sauvage
De ce dépit qui rêva l’égorgement
Du rival heureux en tranchant les cordes.

Et vient la chanson ; missive rimée,
En longs décasyllabes, d’amoureuse férocité,
Qu’écoute insensible la jeune femme méprisante
Qui ne veut pas sortir de la pièce…

La chanson qui raconte des ombres
D’alcool et sang, de cruels châtiments
Les offenses mortelles des cœurs
Et les morts violentes des fiancées.

Sur son visage austère du guitariste
De vieilles cicatrices pourpres et lustrées,
Dans sa poitrine une sinistre rancœur querelleuse
Et dans ses yeux noirs l’éclat du couteau.

Et il montre, insolent, car il s’exalte peu à peu,
Son cynisme bestial d’âme perverse :
Palermo l’a entendu se plaindre, chantant
La jalousie qui annonce le coup de couteau !

Et sa perpétuelle colère ne vise pas l’autre…
Ce misérable qu’il manipule par accoups
Il n’en fait pas plus de cas, car il est rustre et faible,
Que du mégot qu’il oublie derrière son oreille.

Car sa morgue chagrinée a très envie
D’en finir avec tous les bavardages.
Il se sent très capable de faire une prouesse
Dont le quartier parlera trois ou quatre jours.

Et avec la brusquerie d’un geste rimé,
La chanson qui dit le chagrin du jeune homme
Se termine en un rauque plainte angoissée,
Comme une menace qui s’achève en sanglot.

Traduction Michel Balmont

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